Ceci est un essai, j’insiste, sur la chasteté (soyez indulgents avec moi, merci). Il y aura au moins une seconde partie, mais je ne sais pas quand j’aurai le temps de l’écrire. Patience donc.
Cette catéchèse fait partie de ce qu’on appelle l’enseignement moral de l’Église. Souvent ce terme de « morale » est mal vu à notre époque. D’ailleurs quand on doit en parler on préfère le terme « éthique », c’est, en fait, exactement la même chose. Pour le chrétien, qu’est-ce que la morale ? La vie morale est la vie baptismale, c’est-à-dire la façon concrète de suivre le Christ dans tous les éléments de la vie. Le « Viens, suis-moi ! » que le Christ adresse à chacun de nous, s’applique à notre être tout entier : le corps et l’âme. Dans le corps, il y a aussi la sexualité. L’objectif de la morale est de proposer des repères surs pour toujours plus de bonheur, de liberté et d’épanouissement, bref que l’homme soit toujours plus homme.
Aujourd’hui, nous abordons donc la chasteté qui concerne l’art de vivre chrétiennement sa sexualité. Avant d’étudier les repères que l’Église nous donne en ce qui concerne cet art, revenons à l’origine, la création de l’homme et de la femme, pour faire un détours anthropologique (car il importe de bien connaître l’homme pour connaître la façon de vivre qui convient à l’homme). Cela nous montrera que telle ou telle règle ne tombe pas du ciel, il y a une raison de conformité de l’action humaine à ce qu’est l’homme.
Je reviens donc à la création car c’est alors que nous étions dans l’état que Dieu voulait pour nous, pleinement homme, créature parfaite.
Dieu dit: « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. »
27 Dieu créa l’homme à son image,
à l’image de Dieu il le créa,
homme et femme il les créa. (Gn 1, 26 – 27)
Dieu vit tout ce qu’il avait fait: cela était très bon. (Gn 1, 31)
Avant le premier péché, l’homme était à l’image et à la ressemblance de Dieu. Le péché originel nous a fait perdre cette ressemblance. Qu’est-ce que cela veut dire ? (L’homme a été créé corps et âme un.) L’âme humaine est composée de trois niveaux. Un premier (nutritif ou végétatif) rassemble les facultés inconscientes relevant du réflexe vital (respirer, battements du cœur, digestion,…). Le deuxième (appétitif ou sensitif) concerne tout ce qui relève des sens, ce qu’on appelle les appétits. Cela nous l’avons en commun avec tous les animaux. Le troisième est proprement humain à l’image de Dieu. Il rassemble les trois facultés qui nous différencient radicalement du règne animal : la raison (capacité de cognition), la volonté (capacité d’aimer) et la mémoire (capacité de se projeter dans le temps). Ces trois facultés nous donnent d’être à l’image de Dieu et d’être « capax Dei » (= capable de Dieu) c’est-à-dire de le connaître, l’aimer et d’avoir une histoire commune. Mais alors, qu’est-ce donc que la ressemblance ? Et bien, à l’origine l’âme humaine était ordonnée à Dieu et par conséquent, les deux premiers niveaux de l’âme (le nutritif et l’appétitif) étaient sub-ordonnés à la partie supérieure de l’âme. La raison et la volonté maîtrisaient parfaitement les instincts, les passions et les appétits. La mémoire était préservée pure (ne contenant que des souvenirs d’événements bons). L’homme était parfaitement libre à la ressemblance de Dieu, et entièrement tourné vers sa fin qui est son bonheur : Dieu. (JP II ajoute : image de Dieu c’est aussi capacité de donner, à creuser)
Lors de la chute, l’Homme se détourna de Dieu, la source de son ordre intérieur et de sa liberté, et par conséquent son âme fut désordonnée, déséquilibrée, chamboulée, abîmée. Elle ne ressemblait plus à ce que Dieu voulait pour l’homme. L’âme rationnelle perdit alors la maîtrise des parties inférieures. Les instincts, les appétits et les passions n’étaient plus parfaitement subordonnés à la volonté et à la raison. C’est alors que l’homme connut ce malheur que St Paul exprime ainsi :
je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. (Rm 7,19)
L’homme n’est plus parfaitement maître de lui, il va falloir acquérir cette maîtrise de soi, remettre en ordre, petit à petit, son âme, retrouver l’harmonie de l’âme avec le corps et finalement l’unité de sa personne. C’est ce que dit le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) :
La chasteté comporte un apprentissage de la maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté humaine. L’alternative est claire: ou l’homme commande à ses passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles et devient malheureux (cf. Si 1,22). « La dignité de l’homme exige de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens par son ingéniosité » (CEC 2339)
Au numéro précédent, le CEC avait situé la chasteté dans l’intégrité de la personne. Qu’est-ce que cela veut dire ? Vivre chastement c’est retrouver l’unité de sa personne, et donc devenir de plus en plus soi-même en évitant la dispersion de nos forces dans tous les sens. (cf CEC 2338 : La personne chaste maintient l’intégrité des forces de vie et d’amour déposées en elle.) Ainsi donc la chasteté n’est pas un « étouffoir » qui obligerait à une sorte d’inaction, mais au contraire, c’est un art de vivre qui nous permet d’agir pleinement, c’est-à-dire avec la totalité de nos forces de vie et d’amour, selon notre baptême et donc pour notre vrai bonheur. C’est en fait observer le commandement « Que votre langage soit: Oui? Oui, Non? Non: ce qu’on dit de plus vient du Mauvais. (Mt 5, 37) » jusque dans notre agir !
Très bien, me direz-vous, mais qu’est-ce au juste la chasteté ? Je n’ai pas parlé volontairement de sexualité jusqu’à maintenant pour essayer de vous faire saisir les implications pour notre personne toute entière. Regardons maintenant ce que donne le CEC comme définition de la chasteté :
La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. (CEC 2337)
Et oui ! L’Église ne dit pas comme on l’entend souvent « le sexe c’est mal, diabolique, la chasteté c’est pas de sexe du tout » (ex : « Depuis son origine l’Église considère le plaisir sexuel comme démoniaque », G. BECHTEL, La Chair, le Diable et le Confesseur).
La sexualité humaine, à la différence des animaux, est de l’ordre de la tendance (c’est-à-dire de la partie supérieure de l’âme) et non de l’instinct. L’homme est libre jusque dans sa sexualité. L’homme n’est pas qu’un être de besoins, mais de désirs, il doit donc désirer ce qu’il convient comme il convient. Pour la sexualité c’est la chasteté. Vous l’aurez compris ici que « la chasteté est placée sous la mouvance de la vertu cardinale de tempérance qui vise à imprégner de raison les passions et les appétits de la sensibilité humaine » CEC 2341. Elle concerne toute femme et tout homme quelque soit leur état de vie car nous sommes TOUS sexué. La fin (le but) des désirs humains est l’amour et non la sexualité. L’amour ne s’épuise pas dans sa dimension sexuelle (penser aux vieillards qui s’aiment toujours).
L’homme et la femme sont faits pour le don. Cette vérité est déjà inscrite dans le corps sexué. Le corps est le lieu du don, le lieu et le moyen de l’union. L’union n’est pas qu’un rapport de deux corps, c’est une relation entre deux personnes ! La sexualité fait partie du mystère de la personne, c’est quelque chose de très grand et très beau. Voilà pourquoi l’Église est si exigeante à propos de la morale sexuelle.
Encore en vie ? bravo ! tu as réussi à tout lire !! Dans la suite, je détaillerai en quoi consiste la chasteté selon les divers états de vie (célibataire, marié, prêtre, religieux(se), …) et je m’efforcerai de montrer que la continence avant le mariage n’est pas un truc désuet, juste là pour nous empêcher de vivre, mais au contraire que c’est pour rendre le don de soi à l’autre dans le mariage plus grand, plus intense plus complet. Vaste programme….
2 réponses pour le moment ↓
1 Gaëtan Ramos // 8 septembre 2010 à 12:59
C’est très bien ce que tu écris, Yves-Marie ! Pour un essai, c’est déja pas mal. Ça m’a éclairé sur certains points qui restaient obscurs, par exemple les trois niveaux de l’âme. Et à ce propos, nous avons une partie de l’âme en commun avec les animaux, celà signifie donc que les animaux ont une âme (enfin, une partie d’âme) ?
2 Ar Gwenedad // 8 septembre 2010 à 16:53
Oui, dans le sens aristotélicien. Âme en tant que principe de vie, au moins. Quand à savoir si cette âme est immortelle, la question n’est pas tranchée. St François parle d’animaux au paradis…
Tu vas approfondir tout cela au séminaire…
(vous ne faites vraiment plus rien en terminale car cela je l’avais étudié pour mon Bac S)
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